réflexions sur le tir instinctif
Pour bon nombre d’archers ne connaissant pas cette discipline, elle apparaît comme une sorte de pratique approximative et même farfelue, très éloignée du tir avec viseur et même du tir avec arc nu (barebow).
La notion d’instinct est souvent assimilée à l’absence totale de visée. L’archer instinctif tirerait ses flèches comme mû par une sensation imprécise et finalement intraduisible. Ce terme a contribué, à tort, à discréditer cette pratique de tir auprès de nombreux archers.
Son interprétation erronée ainsi que l’attribution parfois infondée d’une « aura » plus ou moins mystique à quelques adeptes célèbres ont achevé aux yeux de certains de condamner le tir instinctif
Jean Marie Coche, dans son livre de référence, « La discipline du tir à l’arc instinctif souple » a au contraire détaillé avec rigueur et grande précision les différentes séquences du tir instinctif et a montré que le travail et la répétition sont les seuls garants d’un haut niveau de performance.
Aussi surprenant que cela puisse paraître a priori, son enseignement était comparable en de très nombreux points à celui de la démarche fédérale de la FFTA. Mon année de formation B.E m’en a convaincu.
Les postures et placements : s’ils sont en certains points différents de ceux appliqués au tir classique avec viseur, ils requièrent la même exigence dans leur répétition, leur qualité, leur régularité et leur précision. Ils concernent tout autant les membres inférieurs, le bassin, le tronc et la tête. La prise de corde méditerranéenne évite le pianotage, offre une technique unifiée valable sur toutes les distances et, dans le respect de la mécanique de l’arc, lui évite toute contrainte délétère pour les branches (la branche inférieure en particulier).
Les mouvements : l’orientation, la mise en tension et la libération sont des étapes rigoureuses, identifiables et incontournables de la séquence de tir même si elles présentent quelques particularités liées aux caractéristiques de l’arc droit.
C’est dans la technique de visée que réside la différence fondamentale avec d’autres pratiques. Il n’y a aucun accessoire mécanique (viseur pour le classique et les poulies ou repères sur la corde pour le barebow).
Schématiquement, la concentration du regard sur le centre de la cible en vision nette va se conjuguer avec la vision périphérique floue de la position de la main d’arc dans l’espace par rapport à la cible et ceci permettra de définir la hauteur du bras d’arc. Il y a donc réellement visée consciente et organisée et non pas lâcher de flèches au hasard. L’instinct, qui nous fait spontanément diriger notre doigt vers la cible, ne suffit pas à lui seul à tirer à l’arc :il s’éduque et se travaille.
C’est finalement la place laissée par l’absence de tout accessoire mécanique de visée qui caractérise le tir instinctif.
C’est justement le plaisir lié à cette absence, la possibilité, avec l’expérience et l’entraînement, de toucher une cible située à toutes distances, en tir fixe ou mobile, et la pratique en pleine nature qui font le bonheur du tir dit « instinctif ».
Le volume de répétitions, l’exigence du respect de fondamentaux structurels et fonctionnels, la diversité des situations d’entraînement proposées, les justifications biomécaniques, le travail respiratoire, etc, tout contribue à faire de la discipline du tir instinctif une véritable pratique sportive avec ses règles, ses fondamentaux et ses performances.
Pour compléter, je vous propose la définition que donnait Jean Marie Coche dans une plaquette qu'il offrait pour faire connaitre son école la Voie Médiane.
"..... Dans son image la plus pure, le tir d'instinct se définit par une action spontanée, non raisonnée; l'enfant nous renvoie très bien cette image dans son maniement personnel de l'arc. Il regarde la cible et dans une gestuelle simple voire désordonnée, il arme son arc dans un mouvement court vers l'avant ou ample vers l'arrière selon que l'objectif lui semble proche ou éloigné; il s'agit de sa projection dans l'espace. cette façon de tirer est la première étape dite phase primaire qui pourrait assurer quelques tirs précis mais trop irréguliers. La seconde phase du tir instinctif que je qualifie "d'éduqué" permettra de devenir un archer plus constant dans ses tirs avec le choix d'une gestuelle précise, bien synchronisée dans son rythme et presque identique à chaque armement de l'arc. Cet archer bien axé dans l'espace appréciera naturellement la distance qui le sépare de la cible sans toutefois l'évaluer mathématiquement. La qualité et les fréquences de son entraînement, de préférence en milieu naturel, aiguiseront ses réflexes."
Pour finir, je vous propose de consulter la revue Tir à l'Arc Magazine et plus particulièrement le numéro 18 d'Août 2012 dans lequel j'ai écrit un article sur le tir instinctif, que vous pouvez aussi consulter sur mon site dans l'onglet "Médias"- Articles TAM